samedi 11 décembre 2010

Les textes de Pierre

Les 31 premiers textes de Pierre à l'atelier : clic

Dans la vie, il y a...
Dans la vie il y a les mecs qui pensent et les mecs qui dépensent, c'est pas plus compliqué que ça.
Les mecs qui pensent sont en haut du panier et les mecs qui dépensent sont au fond du panier.
Et plus le temps passe, plus le panier s'agrandit, c'est pas plus compliqué que ça.
Quand le panier est plein, les mecs qui pensent le vide et les mecs qui dépensent se dépêchent de le remplir, c'est pas plus compliquer que ça.
Quand les mecs qui dépensent ne dépensent plus, les mecs qui pensent leur donnent des idées pour qu'ils dépensent de nouveau et ça marche, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui pensent, je peux pas les voir. A force de penser, ils nous empêchent de vivre. Car vivre, c'est ne pas penser, c'est pas plus compliquer que ça.
Les mecs qui pensent se croient intelligents. Moi, je pense qu'en fait ils se cachent derrière des mots incompréhensibles pour épater le péquin. C'est pas plus compliqué que ça.
Les mecs qui pensent ont des cheveux longs, de grandes barbes, sont gros et pâles, c'est affreux à voir et boivent de l'eau, c'est pas plus compliqué que ça.
Les mecs qui pensent, ça m'énerve, c'est pas plus compliqué que ça.
Les mecs qui pensent ont de belles femmes et ça m'énerve, c'est pas plus compliqué que ça.

Les mecs qui dépensent, c'est des mecs sympa. Ils rigolent et se tapent sur le ventre en rotant, c'est pas plus compliqué que ça.
Les mecs qui dépensent, c'est des gens que j'aime bien parce que c'est eux qui m'offrent l'apéro ou le café, c'est pas plus compliqué que ça.
Les mecs qui dépensent, ils ne lisent pas parce que ça abime les yeux, c'est pas plus compliqué que ça.
Les mecs qui dépensent, ils aiment bien les bagnoles parce que les filles elles aiment ça, un mec avec une bagnole, c'est pas plus compliquer que ça.

Moi, je ne fais partie ni des mecs qui pensent, ni des mecs qui dépensent.

Moi, je suis Anastase Hasbinette et ma vie vie c'est de me tenir à l'écart de ceux qui pensent comme de ceux qui dépensent, c'est pas plus compliqué que ça.
Car ceux qui pensent s'usent à ne pas dépenser et ceux qui dépensent s'usent à ne pas penser, moi j'ai autre chose à faire, c'est pas plus compliqué que ça.
Moi, je veux m'économiser et non économiser.
Moi, je veux vivre la tête libre, sans contraintes, sans obligations, assis au pied de mon chêne à regarder les couchers de soleil, c'est pas plus compliqué que ça.
Moi, je ne veux pas faire d'études car ça m'obligerai à penser, c'est pas plus compliqué que ça.
Moi, je ne veux pas travailler dans une usine, ça déforme le corps et ça donne des maladies, c'est pas plus compliqué que ça.
Ma vie, c'est un peu tout ça et bien d'autres choses que je garde pour moi, c'est pas plus compliqué que ça.
  
J'aurai pu devenir un mec qui pense, parait-il, mais heureusement le destin en a décidé autrement. C'était pourtant bien parti, au dire de mes parents. J'étais brillant à l'école et ce dès le primaire. Ma vie semblait toute tracée. Les mathématiques étaient pour moi aussi facile que l'apprentissage des langues étrangères. J'avais une mémoire d'éléphant et une clarté d'esprit qui me permettaient d'évoluer deux fois plus vite que mes camarades les plus doués. Arrivé au lycée, je me trouvais alors dans un environnement qui commença à me déplaire en la personne du professeur de français. J'avais jusqu'alors eu d'excellent note. Brusquement le vent tourna car ce professeur me prit en grippe dès le début et cela alla en s'accentuant au fils des mois. Durant l'hiver, il y eut pas mal de neige et de verglas. Dans le cour du lycée, il y avait un endroit où les chéneaux de la toiture étaient en mauvais état. Cela avait provoqué la formation d'une belle patinoire à la sortie du préau. Et ce jour là, notre professeur de français était là, debout dans ce secteur. Il y eut une bousculade dont je fut à l'origine, un peu par provocation car je voyais dans son regard de l'ironie. Cela se passa très rapidement et dans les secondes qui suivirent, notre prof fut sans connaissance, au pied de l'un des piliers du préau. Sa tête avait heurté violemment l'angle d'un pilier, il était dans un coma qui devait durer des années années, c'est pas plus compliqué que ça.

Un peu plus tard, j'ai failli devenir un mec qui dépense mais là encore, le destin veillait. Après cette histoire avec le coma du professeur, je fut exclus du lycée. Ce fut le début d'une remise en question. Je me suis dit que le fait de penser m'empêchait d'avoir des problèmes, même de peut-être parfois les provoquer. Ce prof de français qui se vantait de penser, d'en être fière au point de mépriser les autres, cela j'avais décidé de ne pas en faire partie. Je serais dons un mec qui ne pense pas et pour cela je devais adopter une attitude opposée. Je serai donc un mec qui dépense. J'avais lancé ça comme une bravade, une provocation facile sur un jeu de mot bancale.
Que devrai-je faire pour être un mec qui dépense ?
Je fréquentais alors les cafés, les boites de nuits, les plages, les stades de sports en tous genres. C'est le foot qui devint mon sport de prédilection. Mais je devais avec une tête qui ne convenait pas à certain. Un jour il y eut un match qui tourna très vite au vinaigre. J'étais pour les verts et face ceux pour les bleus. Comme les verts étaient en train de gagner, des bleus survoltés ont envahi notre secteur et ce fut la bagarre générale. Je me retrouvais quelques heures plus tard à l'hôpital avec quatre côtes cassées, cinq dents en moins, une arcade ouverte, un genoux déboité, une main écrasée avec cinq doigts en mauvais état et la cerise sur le gâteau, le foie éclaté. Je dus rester six mois à l'hôpital et une année de rééducation. J'ai cru que j'allais y rester, c'est pas plus compliqué que ça.

Moi, Anastase Hasbinette, je suis ni un mec qui pense ni un mec qui dépense et pour le prouver, je vais vous raconter ce que je suis devenu après mon séjour à l'hôpital. Je me suis engagé dans la Légion Étrangère. Ainsi, je me suis dis que j'apprendrai à ne pas penser et que je ne dépenserai pas puisqu'il n'y a rien à dépenser à la Légion. Comme j'étais un bon élève, je pris rapidement du galon. Le colonel m'avait à la bonne et je pus devenir un sous-officier. J'étais très occupé par ma position et mon désir de me faire bien voir. Je continuais à progresser dans la non-pensée et je me gardais de dépenser ma solde pour quand je sortirai.
C'est ainsi que je pris l'habitude de vivre en marge de la société. Je fus envoyer en mission en Afrique et ce fut une découverte pour moi. J'y pris goût et à la fin de mon engagement, je décidais d'y rester. Très vite je me coulais dans la société locale et dans ses us et coutumes. C'est ainsi que je me retrouvais à vivre avec cinq femmes qui pensaient et dépensaient pour moi. Je pouvais admirer les couchers de soleil assis sous un catalpa, avec ma pension d'invalide obtenu grâce à quelques subterfuges et mes économies de légionnaire, c'est pas plus compliqué que ça.

_____________________

Parcours de vie photographique.

Chère vous,

Votre silence m'incite à vous écrire. Vous m'aviez promis de vos nouvelles rapidement mais les mois passent et je n'ai rien vu venir. Je veux croire qu'il ne vous soit rien arriver de grave, que c'est mon imagination qui m'amène à des interrogations sans fondements. A vrai dire, c'est parce que je mettais de l'ordre dans mes papiers que je ma suis décidé à cette écriture car j'ai retrouvé une enveloppe de photos, que je croyais perdu, et dont la vue m'a remémoré des instants que nous avions vécu ensemble. Cela m'a d'autant surpris qu'elles étaient au milieu d'autres photos qui ne nous concerne pas. Je me demandais d'ailleurs ce qu'elles faisaient là, parmi des photos professionnelles. C'est étrange car je n'ai aucun souvenir me permettant de reconstituer ce qui a pu faire que ces photos se trouvent rassembler. Mais peut-être avez vous la réponse, peut-être que votre mémoire que je sais monstrueuse, contrairement à la mienne, va éclairer ma lanterne.
Toujours est-il que le fait de revoir ces photos, des souvenirs ont soudain ressurgi.
Vous souvenez-vous de notre première rencontre, cet instant magique qui qui nous a emportés ? Et bien, vous me croirez si vous voulez, mais j'ai là sous les yeux cette photo.
C'était à l'Alliance Française du Boulevard Raspail. Vous, pour approfondir votre français, moi pour tout simplement y venir pour déjeuner, les tarifs au resto étant des plus attractifs. Autour d'un café, nos regards se sont croisés. Il y a eu un déclic, une flamme qui ne nous a plus quitté durant des mois. D'ailleurs en voyant une seconde photo de la plage de Deauville, plus exactement des planches bordant la plage, il s'avère que c'est là que nous nous sommes retrouvés quelques jours plus tard, un peu par hasard. Vous alliez vers l'est, j'allais vers l'ouest. Vous, sortant d'un café pour aller à Trouville, moi venant de la jeté de Trouville pour aller à un rendez-vous professionnel de l'autre côté de Deauville. Nos corps se croisaient alors après nos regards et il se passa ce que vous savez. Cette carte postale de Deauville, vous me l'envoyâmes quelques jours après et à la suite de quoi je vous proposais de nous revoir. Vous ne me croirez peut-être pas mais j'ai entre les mains la troisième photo qui m'est venue, celle où nous avons été photographié devant la Coupole par ce jeune qui parcourait le trottoir avec son Polaroïd, ce genre de photographe que ni vous, ni moi portions dans nos cœurs et cependant il devait ce jour-là immortaliser l'un des moments que l'on dit exceptionnel, à savoir le plus beau jours de notre vie. Celui du début de notre aventure amoureuse sous les plafonds peints de cette célèbre brasserie, entourés de mille yeux mais seul au monde. Nous n'avions d'yeux que pour nous-même. Nous buvions nos paroles. Il y avait de l'électricité dans l'air, je m'en souviens comme si c'était hier. Nous étions sur notre petit nuage et d'ailleurs c'est bien l'impression que donne cette photo qui, malgré sa médiocre qualité, laisse apparaître l'état dans lequel nous étions.
Au point où j'en étais, je me suis laissé aller à continuer ma pioche dans le paquet de photos. Elle est de très bonne qualité cette fois mais cependant elle est comme qui dirait, flou.
Mais, je dois m'avouer qu'il s'agit de ma mémoire.
Je n'arrive pas à mettre un nom sur le lieu où elle a été prise. C'est un bord de mer sans grand intérêt, une plage quelconque et le temps est gris. Quelque part entre la Manche et l'Atlantique, je pense.
Mais qui a bien pu prendre cette photo ? Un copain, une amie, un touriste de passage ? Nous avons une mine défaite à l'image du temps. Les embruns nous enveloppent et n'arrivent pas à nettoyer notre vague à l'âme. Oui, nos âmes ont l'air de naviguer sur une mer démontée, mais je ne sais plus si cela fut les prémices de notre dérive.
De dérives en dérives, nous nous sommes éloignés puis retrouvés pour de nouveau nous éloigner nombre de fois mais toujours avec ce désir de nous retrouver.
Votre silence me dit que peut-être, cette fois il n'y aurait pas de retour ? Et s'il en est ainsi, je dois vous dire alors un secret, qui n'est pas de famille mais un secret qui nous concerne.
Je ne vous l'ai jamais dit, mais lors de notre première rencontre, je venais de terminer un roman dont l'héroïne était comme la copie conforme de cette jeune femme qui venait à moi dans le hall de l'Alliance Française. Je n'en croyais pas mes yeux mais n'en dis rien de crainte d'être ridicule. Mais maintenant je dois me rendre à l'évidence, cela m'a joué un vilain tour car j'ai cru en ce double et je vous ai pas vraiment vu telle que vous étiez. Ce fut un beau rêve mais ce n'est, me semble-t-il, que cela.
Votre silence, s'il persiste, me donnera confirmation que ce fut bien un rêve, un doux rêve qui s'achève.
Je vous écris cela alors que j'ai en mains une vieille photo de famille où l'on voit l'une de mes tantes qui vécu un amour semblable au notre à l'insu de sa famille. Cela nous fut révélé lors de son divorce et de son départ avec son amant. Nous n'avons pas de contrainte de famille, seulement celles de notre imaginaire qui peut, lui, être tout aussi destructeur. Qu'en dites-vous, ma chère Lisa ? Allez-vous me faire mentir et comme à votre habitude me provoquer en arrivant à l'improviste comme vous en avez le secret ? Si tel peut être le cas, j'espère que vous ne vous presserez pas trop de manière à avoir cette lettre auparavant, histoire d'en rire ensuite. 

Tous les textes de Pierre : clic

vendredi 10 décembre 2010

Etre à Gauche ou à Droite ?


Putain ! Moi jte ldis y a les gens de Gauche et ceux de Droite !

Ceux qui profitent des autres sont à Droite, ceux qui sont exploités sont à Gauche.

Ceux qui sont riches sont à droite, les pauvres sont à Gauche. Enfin pas tous.

Ceux qui sont intelligents sont à Gauche ; ceux qui ont le sens pratique, les débrouillards sont à Droite.

Ceux qui sont beaux sont à Droite les moches sont à Gauche.


Et toi t’es à Droite ou à Gauche ?

Si t’es à Droite, t’es con, macho et profiteur.

Si t’es à Gauche, t’es repoussant, roublard et pas forcément plein aux as mais ça peut arriver.


Mais n’t’en fais pas tu peux t’en sortir.

Si t’es de Droite, il vaut mieux pour toi ne pas la ramener, t’écraser, te faire oublier et souhaiter qu’un jour tu trouves quelqu’un qui t’aide  à passer à Gauche avant de passer, pour de bon, l’arme à gauche.

Et si t’es à Gauche, com’jte l’disais, tu peux t’en sortir en vivant à Droite mais sans le dire.


T’inquiète pas, en fait, si t’es de Gauche et que ta maison brule, tous tes copains viendront- t’aider à éteindre le feu. Si t’es de Droite, les pompiers feront tout pour que les assurances puissent te rembourser.


Moi je ne suis ni de droite ni de Gauche.

Je suis Claude et ma vie c’est de naviguer pour sauver ma peau.

Quand je suis dans une manif,  je crie plus fort que les autres mais si je me fais gauler par le service d’ordre j’évoque que mon cousin est député UMP.

Je raconte à qui veut l’entendre que la Révolution ne se fera que si tout le monde est solidaire.

Par ailleurs je cherche  toutes les combines pour ne pas déclarer tous mes revenus de façon à rester non imposable.


J’aurais pu devenir un vrai militant de Gauche, non pas le PS ou la Gauche caviar mais le Parti communiste ou celui du petit facteur. Mais heureusement j’ai épousé la fille de mon patron qui a toujours veillé à ce qu’il ne m’arrive rien de grave.

Une fois j’ai été ramassé dans une opération contre la drogue. J’avais des joints sur moi mais j’ai pu prévenir ma femme juste à temps et  elle est venue faire du plat au commissaire pour que je sois libéré. Ça tombait bien car le pote qui était avec moi en a pris pour vingt ans alors qu’il n’était que figurant.


Un peu plus tard, j’ai failli devenir directeur de la boite car mon beau père est passé à la retraite et il voulait que les affaires restent dans la famille. Alors j’ai presque pris ma carte dans le syndicat des patrons. Mais voilà, ma femme a eu vent que je draguais la secrétaire et elle a demandé le divorce. C’est son nouveau mari, bien situé dans l’entreprise qui a pris la place. Moi j’ai pris une responsabilité à la CGT.


En fait, moi je suis Claude et je ne suis ni de Droite ni de Gauche et pour le prouver je vais m’engager dans le Mouvement des Amis de la Terre et du Ciel. Je rassemblerai tous ceux qui qui ont peur de l’avenir et qui souhaitent une vie meilleure, ceux qui refusent les religions ou les partis politiques, tous ceux qui, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, beaux ou laids, bêtes ou malins, sont disposés à placer leurs revenus dans une banque solidaire dont je serai le directeur.
 (texte de Marc)
Les consignes :
Dans la vie y a les X et les Y.
  1. Le personnage trie la population.
  2. On peut s’en sortir
  3. Moi je ne fais partie ni des X ni des Y
  4. J’aurais pu devenir … mais …
  5. Un peu plus tard j’aurais pu devenir … Il s’est passé que …
  6. Moi je suis … je ne suis ni X ni Y et pour le prouver je vais …
L'atelier du 6 décembre :  clic

jeudi 2 décembre 2010

Situation bloquée

  
Mon prénom est Ronald et je préférerais de beaucoup m’appeler Michel
Je suis marié depuis dix ans avec Sophie
C’est elle qui détient les cordons de la bourse puisqu’elle a du travail et pas moi.
Depuis six mois elle est en mission à Brest pour remonter une entreprise de sous vêtements.
Teddy est le patron de Sophie et il lui fait des propositions alléchantes mais malhonnêtes.
Moi je suis dans notre logement à Paris
Sophie vient de me signaler que pour la sauvegarde de notre couple il devient urgent que je la rejoigne à Brest.
Or je ne sais pas si j’ai vraiment envie de sauver notre couple.
D’autant plus que Teddy m’a fait savoir qu’il a juré ma perte si je mettais les pieds à Brest.
Ou bien je reste sans mes sous ou bien je vais les chercher à Brest à mes risques et périls.
A notre époque des menaces de ce genre ressemblent à du chantage et je devrais avertir la police.
Je pourrais insister auprès de Sophie pour l’inciter à prendre ses distances d'avec Teddy.
En fait les sollicitations de Teddy par rapport à Sophie m’arrangent bien.
Ce serait une bonne raison de les laisser se débrouiller et de récupérer quelques arrangements.
Une pension pourquoi pas, avec une bonne demande en divorce.
Je pourrais alors fréquenter plus librement ma voisine Anny avec qui j’entretiens des relations plus que chaleureuses.
Elle, n’a pas de travail mais je l’entretiendrai avec les sous de Sophie.
Nous aurons des enfants et toucherons les allocations familiales.
J’irais bien aussi rejoindre Sophie provisoirement à Brest pour me faire une idée de la situation.
 
Mon côté pratique et mon gout de l’aventure me poussent donc à choisir d’aller à Brest.
Je mesure pourtant les risques que j’encours.
Je suis aventurier d’accord mais pas inconscient.
Je n’ai pas envie d’y laisser ma peau.
Anny va protester ou m’abandonner.
Sophie peut se douter de quelque chose et me couper les vivres.
Au pire elle va me demander de supprimer Teddy pour avoir le champ libre et faire ce qu’elle veut dans son entreprise.
Elle pourra se débarrasser de moi ensuite en me dénonçant à la police.
Après considération de ces risques je considère que ne pas aller à Brest est une solution intéressante pour me sortir de cette impasse.
En restant sur place, j’évite  de précipiter les choses.
Il est toujours bon de ne rien faire et de prendre son temps.
Je pousse Sophie à se démasquer si jamais elle souhaitait trouver un alibi en exigeant mon déplacement à Brest.
Je garde Anny sous la main, (c’est une métaphore).
Je laisse Teddy gérer cette affaire et se débrouiller avec Sophie.
Je demande directement une pension à Teddy pour ne pas bouger.
Après considération de tous les avantages découlant de ce dernier choix, je pense que ma nouvelle vie sera de me retrouver à plus ou moins brève échéance avec Anny.
Certes je laisse Sophie se débrouiller avec Teddy.
Je n’aurai pas la conscience très tranquille car je l’aime bien Sophie
Si elle exige que j’aille à Brest c’est qu’elle doit avoir de bonnes raisons.
 Elle va bien certainement me couper les vivres.
Je ne suis pas assuré de trouver du travail.
Il faut du temps pour avoir des enfants.
Les allocations familiales ce n’est pas pour tout de suite.
Avec Anny c’est bon car nous ne vivons pas ensemble.
Si nous faisons vie commune ça risque de se gâter.
L’amour ça s’use vite !
Que faire alors pour trouver la bonne solution ?
Aller à Brest, braver Teddy, oublier Anny ?
Retrouver Sophie en faisant semblant d’être toujours amoureux ?
M’arranger pour rater mon train ou pour passer dessous …
Là j’exagère car je ne veux pas jouer perdant.
Me retrouver en Inde où je n’aurai pas à m’inquiéter car là bas on vit au jour le jour et avec presque rien.

Les textes de Marc sur les pages web de l'atelier.  : clic

lundi 22 novembre 2010

Un texte de Paul

J’AI VU TANT ET TEMPS

J’ai vu une voyante, j’ai vu un O.V.N.I, j’ai vu une souris, j’ai vu ta sœur.
J’ai vu une silhouette, j’ai vu une salope, j’ai vue une salopette, j’ai vu ta sœur
J’ai vu un canon, j’ai vu une nonne, j’ai vu une conne, j’ai vu ta sœur.
J’ai vu un peu vite, j’ai vu où t’habites, j’ai vu ta chatte, j’ai vu ta sœur.
J’ai vu le roi Ubu, j’ai vu qu’t’ as trop bu, j’ai vu Honolulu, j’ai vu ta sœur.

J’ai entendu d’elle, qu’elle chantait les soirs d’été sous les peupliers des jardins d’Albertas.
Que les  silences se plaisaient à s’orner par ses douces mélodies, jusqu’à réconcilier les hommes ingrats et les femmes infidèles…

J’ai vu un indien, j’ai vu un canadien, j’ai vu un amérindien, j’ai vu ta mère.
J’ai vu un livre, j’ai vu un litre, j’ai un titre, j’ai vu ta mère.
J’ai vu un palace, j’ai vu une limace, j’ai vu un rapace, j’ai vu ta mère.
J’ai vu une histoire, j’ai vu une belle histoire, j’ai vu une grande histoire, j’ai vu ta mère.
J’ai vu comment, j’ai vu pourquoi, j’ai vu pour qui, j’ai vu ta mère.

Une de mes plus belles réussites, aura été d’éviter des conflits où il y aurait eu lieu d’en avoir.
De ne pas en avoir eu, là où il n’y avait pas lieu d’en avoir, non plus.
La vie a son mystère…la forêt sa bruyère…

J’ai vu une corde, j’ai vu un cou, j’ai vu une pendue, j’ai vu ta sœur.
J’ai vu ton pardessus, j’ai perdu deux petits sous, j’ai vu tes jolis dessous, j’ai vu ta sœur.
J’ai vu une misère, j’ai vu ma misère, j’ai vu la misère, j’ai vu ta sœur et ta mère.
J’ai vu un bonheur, j’ai vu la bonne heure, j’ai vu la bonne toute à l’heure, je n’ai pas vu ta sœur.

Je voulais car je ne savais pas. Je ne savais pas ce que je voulais. Je savais ce que je ne voulais pas. Puis à  trop vouloir savoir ce que je ne voulais pas, je savais encore moins et je n’en voulais plus. Alors je m’en voulais de ne pas savoir que faire. Je me cachais pendant des années dans ces longues réflexions ; pourtant les yeux de ma mère voyaient tout…

J’ai vu passer Mirza, j’ai vu passer ce chien, oh la la la lala.
J’ai vu Aline, j’ai vu crier Christophe, j’ai vu qu’il avait trop de peine.
J’ai vu les sucettes d’Annie, j’ai vu les sucettes à l’anis d’Annie, j’ai vu son sex-appeal.
J’ai vu son joujou extra, j’ai vu qu’il n’avait pas de piles. J’ai vu qu’il n’avait pas de poils.
J’ai vu les neiges du Kilimandjaro, j’ai vu les neiges du Fuji-Yama, j’ai vu les neiges éternelles.

Sur la dalle de marbre blanc qui me couvrira, vous écrierez en épitaphe : « heureux comme j’ai été… »…Un été…Oui une belle nuit d’été…

Paul Dahan     Novembre 2010
Paul sur les pages web de l'atelier : clic
                                                                                                          

mardi 16 novembre 2010

15 novembre : La rumeur

       La rumeur
                                        

La rumeur…    Une jalouse vengeresse…
La réalité… Le triomphe de l’amour…
Une seule personne aurait pu…Mais tu n’as jamais pardonné…

Enfants, nous étions beaux et inattaquables.
Pour le meilleur, sans savoir où était le pire.
 Enfants, étions nous si innocents ?

Croire…Prier…Le paradis…Le purgatoire…

« Trahison, trahison »…
Je criai révolté…à qui voulait m’entendre.
 La tentation est puissante comme la foudre…

Quand elle vous tombe sur la tête, vous êtes foudroyé.
Foudroyé… Foudroyé…Foudroyé…
Moi fou d’elle… Elle fou de moi… Toi fou d’elle…Elle fou de toi…

Bien avant le grand Amour, nous aimions déjà…
Comme sèment les enfants avec des cailloux…
A tâtons …à tâtons…
Joli petit Poucet…

Enfants, nous étions beaux et inattaquables.
Pour le meilleur sans savoir où était le pire.
Enfants, étions nous si innocents ?

A t’on le droit d’ignorer, d’effacer…nos serments… nos trésors
Du jardin de notre enfance…
Il fleurit le printemps venu…Vénus drapée de lys blancs au pied de ton lit…
Vénus aux  parfums éphémères… des jardins suspendus de Syracuse.

Elle est apparue dans nos cœurs…l’amour à ses rancœurs…
Nous étions deux, nous étions Di-eu…nous étions trois…

Tous nos secrets ; ceux que l’on garde, ceux que l’on partage, ceux que l’on cache…
Ceux que l’on ignore…toi…moi…elle…

La rumeur partira… l’éclair s’en est allé… le ciel a lâché son cri…
Lune croissante …L’une sans l’autre…
Brille, brille…
Tel un soleil dans mes nuits de grands froids…

Je chante… je danse…je te pardonne…
Mon frère, mon ami, mon assassin…

Enfants nous étions, beaux et inattaquables…
Pour le meilleur…sans savoir où était le pire…
Enfants, étions nous si innocents?…


                                                Paul Dahan  Novembre2010
_______________________________________

Derrière la rumeur

La rumeur disait que Bernard, sous son apparente gentillesse, était en réalité un affreux égoïste, incapable de tenir ses engagements, un dangereux séducteur. Bien souvent ses amis lui disait qu’il est bien beau de vouloir ne rejeter personne mais que c’est aussi ne pas savoir choisir, et s’engager dans la voie des difficultés sans fin ou qui finissent mal. 
Alors, Bernard essayait tant bien que mal d’être sincère et vrai. Mais, dès qu’il se retrouvait seul, il se plongeait dans sa messagerie sur Internet et entretenait des relations virtuelles qui lui donnaient l’impression d’être en bon contact avec tout un environnement affectueux ou amical. Il se donnait la possibilité de se créer un personnage adapté à ses différents correspondants. La frénésie amoureuse de Bernard, et chacun le savait, car tout se sait, surtout sur internet où il ne cache rien, était donc déplacée mais pas éteinte... et la rumeur s'en donnait à cœur joie !
La seule personne qui aurait pu faire taire la rumeur était André Charles. Ies deux hommes se connaissaient depuis toujours. André Charles disait que leurs mères respectives tricotaient ensemble leur layette en papotant. Ils avaient fréquenté la même maternelle et la même école Pasteur mais en rentrant dans le secondaire leurs voies s'étaient séparées et c’est là le drame. Bernard fréquentait Albert de Mun et André Charles était pensionnaire à Avon chez les frères des écoles chrétiennes.
Ce dernier n’était pas malheureux dans son internat, il faisait partie d’une équipe de volley qui se déplaçait pour disputer des matches dans toute la région et il avait tissé des liens forts avec ses camarades.

Bernard, lui, n’avait pas vraiment de copains, mais il revenait tous les jours pour déjeuner à la maison en vélo par le Bois de Vincennes et de même le soir après l’école ; ce qui ne lui faisait pas loin de vingt kilomètres par jour.  Et c’est ce qu’André Charles, qui lui ne pouvait rentrer chez lui qu’une fois par mois ou pour les vacances, ne lui pardonnait pas.

On aurait pu croire que cette trahison bien involontaire de Bernard n’était rien par rapport à tout ce qui liait les deux jeunes hommes. Même cette relation qu’André Charles avait commencée avec Sophie n’entamait apparemment pas leur bonne entente.
Que de longs moments ils passaient à se raconter leurs histoires de jeunes adolescents qui découvrent le monde adulte ! Mais dés qu'ils se séparaient, chacun ruminait dans son coin.  André Charles jalousait la vie d'externe de Bernard. Et Bernard bavait d’envie en écoutant les aventures amoureuses d’André Charles et ses exploits au volley, ses acrobaties pour aller chercher des balles  en dehors du terrain et les resservir pour les smashes des plus grands ; il s’était acquis une réputation d’excellent passeur malgré son petit doigt, crochu de naissance.
Ils se sont retrouvés au lycée que Bernard a rejoint pour ensemble tripler une première. André Charles avait quitté l’internat  pour arriver faire la troisième dans cet établissement, il y avait rencontré Sophie et en a fait plus tard sa compagne qu’il n’a jamais quittée.
Les deux larrons étaient inséparables, ils partageaient leurs loisirs et leurs problèmes de maths, leurs meilleurs souvenirs étaient encore ces parties interminables qu’ils faisaient au tennis dès qu’ils pouvaient s’échapper. Que voulez vous ils avaient bien d’autres soucis en tête plutôt que de travailler à préparer leurs examens !

Aujourd’hui, alors que Bernard tente de se dépêtrer dans ses histoires amoureuses il repense à l’époque où il soutenait André Charles qui cherchait à se marier avec Sophie. Ils n’avaient pas fini leurs études, pas de situation et lui devait partir au Service militaire car le sursis dont il avait longtemps demandé la prolongation devait expirer. Bernard les accompagnaient, discutaient avec eux et leurs parents et ils ont réalisé leur mariage. Il a même été choisi pour être le parrain de leur premier enfant.

En fait si la rumeur tente de faire croire que Bernard est incapable de tenir ses engagements, lui-même n’y prête pas attention. Il sait d’où lui vient cette tristesse cachée au fond de lui-même et qui l’empêche de créer des relations durables et vraies. Il a devant lui, chaque jour, et cela le démolit un peu plus, l'exemple de André Charles ... Tel que Bernard le voit, André Charles est  toujours sûr de son bon droit, il se permet de jeter un œil critique sur les gauchistes révolutionnaires. Il a cette tranquille assurance, et cette constance que donnent une enfance facile et une maturité acquise dans un cocon familial apportant la  sécurité. Car André Charles a eu un père et une mère présents et aimants.

Lui, Bernard n’a jamais connu son père qui est mort d’un accident de montagne alors qu’il n’avait que quelques mois.
Cette absence de modèle paternel a fait de lui un homme fragile, mal à l'aise avec ses congénères, surtout de sexe opposé. Alors, pour donner le change, avec sa gentillesse excessive peut-être,  il joue avec le cœur des femmes tout en admirant, secrètement, les couples fidèles.
texte de Marc (revu par Nicole)

Tous les textes de l'atelier en 2010 : clic

vendredi 12 novembre 2010

L'atelier du 8 novembre

L'oubli

La vraie tendresse, la fidèle amitié passent parfois pour d’incroyables légendes tant nous surmontons mal notre gêne face à l’affectif. La tendresse et l’amitié vivent désormais, comme le monde, à flux tendus. La vitesse les émiette, la distance les brise et le temps les achève. Il en subsiste des éclats, des perles, des brimborions bons tout juste à fournir la collection de souvenirs discontinus qui jalonnent la mémoire, traçant de plus en plus mal, dans l’ombre, la voie lumineuse qui remonte à l’enfance.
Gilbert Denoise, lui, rejetait des sentiments si fugaces. L’insouciance et l’oubli le consternaient, le poussait à renoncer à ce qui lui semblait fragile, aléatoire, soumis à trop de circonstances. Pourtant, il avait aimé, dans sa jeunesse. Mais les filles, comme par magie, s’effaçaient de sa vie au hasard d’un changement d’adresse, d’un nouveau job, d’une rencontre ou d’un voyage. Les amis aussi, prodigues un temps en confidences, en coups de fil, en cartes postales... Il lui semblait vivre en clochard de luxe sur la place publique d’un village mondial. L’amour et l’amitié n’y étaient que pacotille, lampions et guirlandes accrochés au ciel d’une fête perpétuelle qu’assombrissait pourtant les périls de crise économique, de réchauffement climatique et de mise en charpie de la nature.
Il avait bien failli renoncer à l’invitation du Docteur Salperwick qui tenait à le voir honorer de sa présence le vernissage de son exposition. Et alors, il n’aurait pas rencontré Aline Rochefort. Petite, blonde, vêtue d’une simple robe noire, elle se tenait devant le portrait d’une femme de marin. C’était en vain que la femme du professeur Scholtès la tirait par la manche en désignant d’autres œuvres, des portraits pour la plupart. Aline demeura plus d’un quart d’heure devant cette Bretonne qui regardait la mer tandis que Gilbert regardait Aline. Autour d’eux, tournaient les plateaux et les flûtes de champagne. Autour d’eux se faisaient et se défaisaient les groupes. Autour d’eux la ville, autour d’eux le monde. Etrange paix de l’œil du cyclone…
Enfin, Aline se tourna vers Gilbert.
-- Savez-vous tout ce que ce tableau me rappelle ? Toute une adolescence au bord de la mer d’Iroise, des côtes sauvages, des milliers de vagues d’un bleu intense sous un ciel clair et des trombes de pluie. Il me semble que je ne cesse d’y être immergée. Je perçois encore le crissement des coquillages brisés et la rugosité du sable sous mes pieds nus. Et le bruit de la houle et les cris des mouettes.
Gilbert lui avoua que le visage de cette femme de marin lui inspirait une mélancolie sans objet comme s’il lui rappelait un amour oublié. La présence d’ Aline en avait tout effacé de sa mémoire, sauf un énigmatique sentiment. Il comprit, à ce jour, qu’il était, autant qu’un autre, capable d’oubli.
Aujourd’hui, le nouvel amour a fait fuir toutes les promesses de péché que ce mode festif et furtif offrait à Gilbert. « Je menais donc une vie de chien ? » se disait-il. Par vie de chien, en bon helléniste, il entendait vie cynique. Et pourtant, Dieu sait si, jadis, il avait  multiplié les rêves de rupture avec ses intermittences du cœur. Mais ses velléités idéalistes s’échouaient comme une barque qui prend l’eau. Aujourd’hui, si j’ose dire, sa barque a jeté l’ancre et trouvé son port. Il vit avec Aline l’incroyable légende à laquelle il ne croyait plus.
Texte de Madeleine
_______________________________________________________

La légende d’Annette

Le problème est qu’Annette, dans son audace et son sans gène phénoménal, fidèle à sa légende de voyageuse infatigable, s’apprête à partir pour un nouveau tour du monde. Sa prochaine étape sera l’Afrique.
Quel est le problème ? Me répondrez-vous.
Vous ne connaissez pas Annette. C’est un être d’exception sans nul doute. On ne peut pas l’oublier quand on l’a rencontrée. Sa beauté c’est celle du cœur, sa tendresse est universelle, elle ne peut croiser quelqu’un sans s’en faire un ou une amie.
Mais voilà, elle est handicapée à cause d’une jambe presque paralysée, un reste de polio.

Or Gilbert Denoise, lui est un homme qui n’aime pas trop bouger, on le trouve peu sociable. Il a une admiration sans bornes pour Annette qui, généreuse, n’a peur de rien mais n’a peut être pas les moyens physiques de ses ambitions.
Gilbert lui est d’une agilité surprenante pour son âge. C’est la pratique du yoga qui l’a conservé en bonne forme mais il craint que son manque d’ambition ne fasse aboutir son projet de retrouver Annette en un amour fugace.
Il se résout à laisser Annette mener sa vie, partir seule mais à son retour, il l’invitera à se poser chez lui, dans sa grande maison et il la suivra si elle se décide à partir de nouveau.

Il s’en aurait fallu de peu pour que, quelques années auparavant Gilbert qui était connu sous le nom de docteur Salperwick rejoigne Annette, qui elle, était la veuve du professeur Solers. C'est Aline de Rochefort, une femme de marin malgré son nom à particule, c’est donc Aline qui profita de l'occasion quelques années plus tard.
Quelle histoire, cette liaison du docteur Salperwick ! Il était séduisant et avait déjà eu une aventure avec elle, Aline, alors qu’il avait établi son cabinet dans la bourgade où elle avait passé sa jeunesse. Elle venait même de se marier à cette époque. Cette intrigue aurait pu déjà tourner mal mais, sans tenir compte de la leçon, c’est trente ans après que, sans s’être oubliés ils se sont retrouvés et ont reproduit le même scénario. Réellement, ils ne se sont pas mariés et c’est peut être ce qui a provoqué leur séparation après six ans.
Gilbert Denoise, était alors de nouveau libre et repensait à Annette. Il espérait qu’elle pourrait s’accommoder de son manque de dynamisme. Il correspondait avec elle  en faisant confiance au temps qui faisait bien les choses en général.

Aujourd’hui il nous reste de cela que Gilbert Denoise mène une vie de pantouflard en attendant qu’Annette revienne de son voyage en Afrique. En fait elle n’y est pas encore partie. Ensuite il faudra qu’elle accepte de venir jusqu’à chez lui.
Il redoute que ce rêve insensé, comme une barque prenant l’eau, s’use au fil des temps. Ce serait comme la promesse d’un péché que la réalité ne permettra pas. Si toutefois c’est un péché de se mettre en couple.
Annette pense à son voyage sans entrain, elle n’a plus cette envie de parcourir le monde qui la tenait jusqu’à présent. Elle pense quelle utilisera le temps du dépaysement pour réfléchir comment se donner les moyens de gagner de l’argent avec ses acquis ésotériques qu’elle voudrait proposer sur Internet.
Elle sait bien que Gilbert, le fameux docteur Salperwick n’est pas l’homme qu’il lui faut. Il n’a pas pu retenir Aline de Rochefort qui, très active, fera sa vie de son côté. Elle ne croit pas trop, par ailleurs, qu’elle sera capable d’apaiser sa soif  d’amour inconditionnel qui la fait chercher son idéal au-delà de la vie de tous les jours.
Texte de Marc
Les photos de l'atelier du 8 novembre par Paul : clic

mardi 9 novembre 2010

consigne du 8 novembre

L'idée de cette consigne était de réfléchir, et d'écrire, sur ce qui fait qu'une personne, un beau jour, peut décider de changer d'identité, se faire passer pour quelqu'un d'autre, usurper une fonction, un titre, une vie...
Le but n'est pas de décrire le comment, ni l'après, mais l'avant... écrire l'histoire d'un personnage qui va poser cet acte là...

Certaines séances de l'atelier d'écriture penchent plutôt vers l'écriture, d'autres plutôt vers l'atelier... selon la consigne... selon qu'elle laisse une part plus ou moins grande à la liberté d'écrire ce qu'on veut... selon sa force contraignante ....
ce 8 novembre, nous étions plutôt dans "l'atelier", avec une consigne forte et plutôt rigide, avec beaucoup d'éléments à intégrer et ma foi, les textes que j'ai entendu m'ont plu. Nicole 

lundi 8 novembre 2010

Liberté



Modeste, qui avait tant de cordes à son arc, avait aussi hérité d’un salon de coiffure. Comme il était un bon fils, il n’avait pas voulu faire de peine à ses parents en le refusant. Manuellement adroit, ingénieux et sociable, il y réussissait. Le personnel et la clientèle le célébraient à l’envi. Hélas, il se sentait de plus en plus ridicule quand, tel Matamore, il matait  les crinières abondantes ou quand, à l’inverse, en redresseur de tort, il étoffait savamment de pauvres tignasses chétives. Bref, la matière chevelue l’écoeurait, l’empêtrait, le ligotait comme un vulgaire moucheron pris dans une toile d’araignée.

Ah ! fuir ce milieu de femmes, pour femmes, avec des femmes !
Mieux entendre les nouvelles du monde !
Savoir vraiment ce qui se passe !
Avoir du recul, mettre tout en perspective !
Se faire une idée vraie de la vie !

Sur la place, juste devant chez lui, se tenait le marché aux fleurs. En plein air, loin de l’atmosphère confinée du salon. Josiane, la fleuriste, vendait  ses bouquets à tous, aux amoureux, aux écoliers pour la Fête des mères, aux invités cérémonieux, aux officiels, aux amis éplorés lors des funérailles et même aux maniaques fous de symboles. Il se mettait sur le pas de sa porte pour les entendre tous et pour l’entendre, elle, qui pénétrait les désirs et les sentiments de ses clients. C’était bien autre chose que de délabyrinther des cheveux !

Un homme très important passait souvent commande à Josiane. C’était un homme d’affaires qui avait su faire travailler pour lui beaucoup de monde. Il était adjoint au Maire et tous le saluaient. Il répondait à tous. Il participait à des congrès, des expositions et des colloques en France et  à l’étranger. Il pouvait comparer les besoins et les problèmes, juger des affrontements, évoquer des solutions. Il connaissait l’humanité au point – disait-il -- de pouvoir prévoir l’homme du troisième millénaire. Rien à voir avec l’élection de Miss Bouclettes !

Modeste connaissait aussi, pour l’avoir rencontré dans la rue et aussi pour l’avoir entendu vanter par ses clientes, un jeune homme singulier. D’après la rumeur, il avait mené une vie de galère, proche de la dissidence et de la marginalité, pendant dix ans, comme on traverse une contrée périlleuse. Il n’avait pas coupé ses cheveux longs. Il chantait et jouait toujours de la guitare mais occupait un poste de professeur à l’école voisine. Modeste enviait sa voix chaude et son sourire irrésistible. Composer, trouver mots et musique, quelle aventure ! C’était autre chose que de poser des bigoudis ! Et ça vous rendait beau. Et puis vivre dans le monde de l’enfance, entouré d’un cortège d’angelots, et même de diablotins n’était-ce pas remonter le cours du temps ?

Ah ! être au point de rencontre des âges et des civilisations !
Ressentir les enthousiasmes !
 Les comprendre en profondeur !
 Passer de la matière aux âmes et peut-être à ce qui fait vivre les âmes !

Quand il était petit, Modeste, une nuit, avait rêvé qu’il parcourait le monde avec une caméra et qu’il enregistrait tout ce qui lui faisait signe. Signe de quoi ? il l’ignorait. Cependant, ce que lui disait le monde, il lui fallait le traduire. Cette traduction lui incombait, s’il ne la faisait pas, personne ne la ferait. Il s’était réveillé en pleurant.

Tous nos concitoyens furent très surpris quand Modeste qui n’avait pas trente cinq ans céda salon, clientèle et pour ainsi dire personnel à un vague cousin qui promit de lui verser une mensualité. Il disparut. On n’en eut plus de nouvelles. Les uns disent qu’il voyage, ce veinard, d’autres qu’il est devenu guitariste ambulant, d’autres qu’il vit aux Indes, en ashram, d’autres, enfin, qu’il est capable de tout. A ces différentes hypothèses, l’instituteur a consacré une chanson. Mais depuis, Josiane soupire souvent. Et l’adjoint au Maire ajoute qu’il est regrettable que la ville ait perdu un coiffeur si doué, qui en faisait la célébrité.

Son meilleur ami se souvient que l’année du Bac, Modeste professait une folle admiration  pour le candidat, réel ou mythique, qui avait choisi  un sujet sur la liberté pour ne le traiter que par la phrase : « La liberté, c’est ça ! »
Madeleine 25 octobre

L'atelier sur le web : clic

mercredi 20 octobre 2010

Un héros

"La vieille photo", un texte de Cécile : clic
La page photos de l'atelier du 18 oct : clic


Comment Louis Victor est devenu un héros
Mots clés : Chanson, horloge, vélo

Louis Victor est arrivé à Puitfond un soir de printemps alors qu’il avait projeté de faire un tour de France en vélo. Il était 20h à l’horloge du village. Sur la place, chacun poussait sa petite chanson.
Malgré une étape assez longue, Louis Victor se sentait en pleine forme et plutôt que d’aller chercher un gite pour la nuit il s’assit près de la fontaine pour se rafraichir un peu. Il écoutait avec attendrissement le répertoire qui le rejoignait justement. Il se rapproche du groupe, les hommes venaient de terminer une partie de pétanque et avaient probablement bu une bière ou deux qui les avaient mis en joie.  Invité par la jeune meneuse il se décide à les rejoindre.
Il ne connaissait pas toutes les chansons d’autant plus qu’elles avaient un caractère local pour la plupart ; il était parisien et venait de terminer ses études de géologie. Il espérait trouver un emploi sur un chantier de fouilles archéologiques.
Le groupe lui paraissait sympathique et Louis Victor était particulièrement attiré vers celle qui lançait la plupart des chansons.

Encore Jeannette ! Encore !
Quelle voix elle avait cette Jeannette ! Louis Victor était séduit et il n’arrivait pas à trouver une chanson qui pouvait, selon lui, s’accorder avec elle. Cela le titillait. Il aurait voulu se faire remarquer mais elle restait totalement indifférente à tout se qui pouvait la distraire. Il résolu de prendre son temps et d’attendre l’occasion. Au moment où il retournait prendre son vélo l’horloge sonnait 22 h.
Hé le nouveau ! Ne faut pas t’en aller si vite ! Tu chantes bien et c’est un plaisir de t’avoir avec nous !
Jeannette le retenait. C’était gagné.
Louis Victor n’en revenait pas. Tout excité, il n’est pas parti ce soir là ni les autres non plus. Il n’a pas cherché de quoi se loger, les portes se sont ouvertes, il était invité partout.
Au départ, Jeannette lui avait trouvé une petite chambre dans la boulangerie depuis longtemps fermée. Il s’est alors intéressé à l’affaire et trois semaines après son arrivée à Puitfond il avait réussi l’exploit de remettre la boutique en activité. Il était devenu un héros.
Ses amis les chanteurs lui donnaient un coup de main pour le ravitailler en farine et en bois de chauffage pour alimenter le vieux four qu’il avait remis en état.
Jeannette tenait la boutique et servaient les clients pendant qu’il préparait les fournées. Il s’arrangeait même pour livrer les isolés dans la campagne.

Depuis qu’il est une vedette, un héros, Louis Victor a abandonné son vélo dans l’arrière boutique de la boulangerie. Il se lève tous les matins, juste avant que l’horloge ne sonne 4h. Pas facile d’être debout si tôt alors que l’on est un adepte de la grasse matinée. Il est tout étonné de sa nouvelle vie. Finies les soirées interminables qui vous laissent parfois ivre mort ; il ne pense plus aux chantiers archéologiques alors qu’il rêvait de grands espaces. Il se passionne dans l’art de faire les pizzas en plus des différentes sortes de pain que ses clients lui demandent.
Il vit comme un ascète, ce dragueur d’antan, poussant régulièrement ses petites chansons. La présence de Jeannette lui suffit.

Louis Victor est heureux. Chacun croit connaitre toute son histoire de citadin reconverti à la vie campagnarde, d’étudiant parisien amoureux de vélo.
Pourtant tout au fond de lui-même une épine, un souci dont il ne se remet pas. Il sait que dans sa toute première enfance il a été terrassé par une maladie du sang qui a été soignée par des rayons. Ces rayons ont détruit les gènes reproducteurs entrainant la stérilité définitive.
Adopté très jeune, il n’a jamais connu ses vrais parents et il a toujours rêvé fonder une famille pour réparer cette injustice. Il se refuse à demander Jeannette en mariage car il sait qu’il ne pourra pas avoir d’enfant et il ne veut pas lui imposer cette situation.
C’est une chanson triste que l’horloge du village rappelle toutes les heures.