vendredi 5 octobre 2012

Un lieu imaginaire



Sur la table il y aurait …
  … un album de photos. Je n’ai rien contre les albums. Vite dit, car si j’en parle, c’est que je pose des questions à l’ère des albums électroniques. Les albums papiers, c’est attendrissant comme un vieux vêtement qu’on a porté longtemps ; c’est pratique pour garder et montrer les souvenirs à une ou deux personnes ; c’est comme un journal papier qu’on a plaisir à feuilleter. C’est agréable à toucher ; à sentir aussi, les albums ont une odeur, l’odeur du passé, l’odeur des circonstances qu’ils reflètent ; autant de qualités absentes s'il s'agit de la photo numérique.
La plupart du temps l’album est rangé sur une étagère et prend la poussière tout comme un livre qu’on a aimé. Exceptionnellement celui ci serait sur la table. Sont disposées sur des feuilles épaisses de couleur beige, les photos de mon mariage. C’était il y a cinquante ans tout justes. La mémoire vacille, il va falloir que je mette des noms sous les personnages car je reste une des rares personnes à pouvoir reconnaitre tout le monde. Les enfants sont devenus parents et certains même, grands parents, tous sont encore vivants.
J'ai vu, dans certains albums, des silhouettes découpées ou grattées, simplement parce que leur expression ou plus grave, leur présence, ne plaisait pas à l’auteur du méfait...

Sur le mur serait encadrée la photo de la première page de l’album. Le cliché est agrandi et même si l’image n’est pas absolument nette on peut reconnaitre la plupart des personnages. Les deux mariés sont présentés entourés de leurs cortège d’honneur, les plus jeunes des neveux et nièces de sa famille à lui, seize enfants entre onze et un an. C'est le moment pour la mariée de découvrir sa nouvelle et nombreuse famille. En arrière plan on distingue sa fratrie à elle, endeuillée par le récent décès du père.
Sur le vieux tourne disque …
… un des premiers 45 tours des Platters : « Only you » Je le repassais en boucle jadis. Elle connaissait la musique elle aussi ; elle l’avait utilisée en différentes occasions.
Pour moi, dans la félicité d’une nouvelle rencontre, je plaçais ce disque et invitais ma cavalière à danser avec moi. Séduction ? Oui un jeu que ma partenaire adoptait de bon cœur.

Il y aurait dans l’air comme un parfum d’enfance. Qu’est ce qu’un parfum d’enfance ? Laissez votre imagination voguer et vous sentirez comme moi les effluves, bonnes ou moins bonnes qui ont marqué votre jeunesse. Cette odeur se dégage des photos papier comme si ces années de bonheur et d’insouciance avaient imprégné la texture même des pages de l’album. 
Ce jour là, au moment de la photo, c’était l’odeur des peaux fraiches des enfants que l’on venait de laver, de gominer et d’habiller de fête. Ils ne s’étaient pas roulés par terre en jouant au ballon. Ils étaient imprégnés des senteurs du bouquet de fleurs qu’on leur avait confié et qu’ils tenaient pour la plupart serré contre leur poitrine. Fumet qui se mélangeait à l’eau de toilette « Parfum de fête » dont on avait aspergé la robe de la mariée.

Et puis il y aurait toi. Tu serais là, debout à côté de moi, à écouter mes commentaires. Peut être aurais tu souhaité prendre la place de la mariée ? Tu aurais compris que, contrairement au couple de la photo, les enfantillages, les erreurs de jeunesse qui détruisent les beaux projets ne tiennent pas devant la beauté d’un vivre ensemble de tous les jours.

L'atelier du 24 septembre : clic

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